C'était le temps...
Jamal parcourait la grande esplanade du front de mer,il faisait beau. Il connaissait cet endroit ,il venait souvent méditer, assis sur un des bancs qui surplombaient le thêatre de verdure d'Oran. Il venait là, l'été .
Ce jour là avant de s'asseoir, il croisa du regard un vieux monsieur dont le visage lui était familier. Jamal voulait lire quelques pages d'un livre qu'il avait commencé, qui s'intitulait " les graviers rouges" ;Il décrivait le départ d'un jeune homme pour le maquis pendant la guerre d'Algérie. Le vieux monsieur fixait la couverture du bouquin ,contemplait le visage de Jamal et d'une voix sereine sortit de son long silence. Il entreprenait la conversation avec son compagnon assis sur le même banc public en haut des arènes d'Oran.
Il commença sa phrase par " c'était le temps des autres chants de la mémoire, je me souviens encore disait-il. Le regard du monsieur s'illuminait, il était majestueux dans sa posture digne d'un personnage qui sortait du fond des pages du livre que tenait Jamal entre ses mains.
-Je me souviens d'Oran, elle était la ville qui se réveillait aux murmures des doux vents venus de la mer. Les grandes rues s'animaient doucement aux sons des tramways qui tintinnabulaient, puis les passagers dans les rues du centre ville, déambulaient encore assommés par de longues soirées estivales de fin de semaine. Ils y'avaient ceux qui passaient leur dimanche en famille aux bords des plages, ils se rassemblaient entre familles et amis.C'était certaines fois, de grandes tablées autour de la nourriture qui n'était que prétexte à de grandes envolées de joie et de bonheur, pour l'instant des sentiments partagés. Le vendredi c'était souvent, la promesse que le week-end sera beau.
Je me promenais le long des boulevards, près de la place d'armes racontait le monsieur. Une foule grouillait , femmes, enfants et badauds s'entrecroisaient en un mouvement incessant, les bruits de la ville résonnaient, en une sorte de musique des bals populaires. Les vitrines des magasins rivalisaient en séduction pour attirer une clientèle, qui de fait, n'avait pas besoin de grandes choses pour vivre sous ce soleil implacable, mais généreux. Des couples marchaient éternellement amoureux le long des trottoirs tendrement enlacés. On pouvait regarder dans certaines vitrines de photographes, des portraits de quelques militaires ,des appelés français qui posaient pour des portraits qu'ils envoyaient à leurs fiancées qui habitaient au bled en France. C'était des photographies en couleurs dont les prises de vues étaient presque identiques. Dans ce même boulevard l'animation était à son comble, on respirait vers la fin de l'après midi les senteurs de cafés, les terrasses, ne désemplissaient pas, odeurs de boissons ,de spiritueux, auxquelles se mêlaient les délices des kémias qui fidélisaient les clients aux comptoirs des bars. Les bars servaient de la bière à tour de bras. Elle coulait à flot dans une robe dorée. Pressée, elle laissait épancher son amertume fondante, dans une mousse rousse ou blanche qui s'étalait. On poussait les gens parfois, pour se frayer un passage entre des amis qui discutaient à hautes voix des derniers résultats sportifs ou alors, tel événement vécu la veille.
La rue de la Bastille ne sommeillait jamais. Elle était envahit par des passants attirés comme des abeilles autour d'une ruche de miel. Le long des rues avoisinantes les chaises étaient posées par endroit, juste aux seuils des portes des immeubles ou des quelques maisons. Des personnes âgées assises là, attendaient le retour de la fraîcheur du soir, elles s'entretenaient entre elles de choses et d'autres. Les portes des habitations étaient toujours ouvertes, seuls des rideaux parfois blanchis par les assauts d'un soleil souverain, se délavaient de leurs couleurs. On respirait la propreté des logements entretenues pendant la journée.
Marie l'espagnole était assise toujours là, devant sa porte son rideau à peine écarté, elle rentrait chez elle, puis ressortait avec son long châle espagnol qu'elle mettait sur son dos. La fiestà était dans le quartier. Les uns et les autres convergeaient vers cette célébration de ces jours sans fin, ou seul le retentissement d'une rafale de balles en l'air laissait prévoir une autre histoire.